Excès d’azote : un enjeu critique pour la santé des sols et des nappes phréatiques

11/04/2025

Comprendre l’azote : un élément clé mais doublement tranchant

L’azote est indispensable à la croissance des plantes. En agriculture, il est souvent apporté sous forme d’engrais minéraux (nitrates, ammonitrates) ou organiques (fumier, lisier, compost). Mais contrairement au phosphore ou au potassium, l’azote est particulièrement mobile dans l’environnement, ce qui en fait un élément difficile à maîtriser.

En l’absence de gestion précise, l’azote non absorbé par les plantes peut échapper sous différentes formes :

  • Des nitrates (NO₃⁻), qui se lessivent facilement dans les sols et atteignent les nappes phréatiques.
  • Du protoxyde d’azote (N₂O), un gaz à effet de serre 300 fois plus puissant que le CO₂.
  • De l’ammoniac (NH₃), qui s’évapore dans l’atmosphère et peut contribuer à l’acidification des milieux naturels.

La contamination des nappes phréatiques par les nitrates : une menace silencieuse

Le problème majeur lié aux excès d’azote est la pollution des nappes souterraines par les nitrates. Quand les sols reçoivent plus d’azote que ce que les racines des plantes peuvent absorber, la fraction excédentaire est entraînée par l’eau de pluie ou l’irrigation. Cette migration finit par atteindre les eaux souterraines où elle s’accumule.

Les conséquences sont notables :

  • Un problème de santé publique : Les nitrates en excès dans l’eau peuvent, une fois ingérés, se transformer en nitrites dans l’organisme. Ce phénomène est associé à des risques sanitaires, notamment pour les nourrissons et les femmes enceintes. L’excès de nitrates dans l’eau potable est d’ailleurs un sujet de préoccupation majeur en Europe. Selon l’Agence européenne pour l’environnement, environ 14 % des nappes phréatiques de l’UE dépassent le seuil de 50 mg/L fixé par la directive nitrates.
  • L’eutrophisation des milieux aquatiques : Les nitrates qui rejoignent les cours d’eau et les lacs favorisent une prolifération excessive d’algues (eutrophisation). Cela perturbe les écosystèmes aquatiques, réduit la biodiversité et nuit aux usages comme la pêche ou la baignade.

Les impacts sur les sols : des déséquilibres à long terme

Les sols ne sont pas épargnés par les excès d’azote. L’utilisation abusive d’engrais azotés peut entraîner des déséquilibres chimiques, biologiques et physiques qui affectent leur santé globale :

  • Acidification des sols : Lorsqu’il y a une saturation en azote, des réactions chimiques génèrent des composés acides qui modifient le pH du sol, nuisant à la vie microbienne bénéfique et à la disponibilité des nutriments essentiels pour les cultures.
  • Dégradation de l’activité biologique : Les apports massifs d’azote peuvent favoriser certaines espèces au détriment d’autres, déséquilibrant ainsi l’écosystème microbien du sol. À long terme, cela fragilise sa fertilité naturelle.
  • Compactage des sols : Les excès d’azote favorisent parfois un développement rapide des cultures, mais avec un système racinaire peu profond. Cela compromet la structuration des sols et augmente leur sensibilité au compactage.

Ces mécanismes, souvent invisibles à court terme, rendent les sols moins résilients aux stress environnementaux comme les épisodes de sécheresse.

Comment en est-on arrivé là ?

La surutilisation d’engrais azotés découle, entre autres, de plusieurs facteurs :

  • L’optimisation des rendements agricoles : Pour nourrir une population mondiale croissante, une pression s’est exercée dans les années 1950-1970 (période dite de la “révolution verte”) pour intensifier la production, avec parfois des doses excessives d’engrais.
  • Le manque de diagnostics précis : De nombreux agriculteurs n’ont pas accès à une cartographie fine des besoins en azote de leurs parcelles, ce qui conduit à des apports standardisés et souvent surévalués.
  • Des pratiques historiques : Les habitudes de fertilisation accumulées au fil des décennies continuent parfois à privilégier le “plus c’est mieux” au détriment d’une rationalisation.

Quelles solutions pour réduire les excès d’azote ?

La gestion raisonnée de l’azote est au cœur des pratiques agricoles durables. Voici quelques pistes prometteuses :

1. Affiner les apports grâce à l’agriculture de précision

Les outils d’agriculture de précision, comme les capteurs embarqués sur les tracteurs ou les drones, permettent de mesurer avec finesse les besoins en azote des cultures à l’échelle parcellaire. Cela limite les apports excédentaires.

2. Adopter les cultures intermédiaires

Les plantes de couverture (moutarde, radis, etc.) semées entre deux cultures principales peuvent capter l’azote résiduel du sol, évitant ainsi qu’il ne soit lessivé vers les nappes phréatiques. Par ailleurs, elles contribuent à améliorer la structure des sols.

3. Favoriser les engrais organiques et les pratiques agroécologiques

Les matières organiques comme le compost ou le fumier permettent de libérer progressivement l’azote dans le sol, tout en améliorant sa biodiversité. Coupler ces pratiques avec la rotation des cultures ou l’agroforesterie maximise leurs bénéfices.

4. Miser sur l’innovation

De nouvelles solutions voient le jour, comme les engrais à libération contrôlée ou les inhibiteurs de nitrification. Ces derniers ralentissent la transformation de l’azote dans le sol, réduisant ainsi les pertes sous forme de nitrates ou de gaz. Parallèlement, les biostimulants commencent à émerger comme des alliés pour améliorer l’assimilation des nutriments.

Un enjeu collectif pour demain

La gestion des excès d’azote dépasse largement le cadre de la seule agriculture. Élus, industriels, agriculteurs et consommateurs ont tous un rôle à jouer. Les programmes européens comme la directive nitrates poussent dans le bon sens, mais la mise en œuvre reste perfectible. Quant aux consommateurs, ils peuvent faire leur part en privilégiant des produits issus d’une agriculture durable.

Préserver la qualité des sols et des nappes phréatiques est un investissement à long terme pour notre alimentation, notre santé et notre environnement. Si la maîtrise de l’azote reste un défi complexe, les solutions ne manquent pas. Il ne tient qu’à nous d’agir dès aujourd’hui.

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