Les solutions naturelles et innovantes pour remplacer les engrais chimiques en agriculture

25/04/2025

L’indispensable mais problématique rôle des fertilisants

Pour comprendre pourquoi trouver des alternatives est essentiel, il convient de rappeler le rôle des engrais et leurs effets sur les écosystèmes. Les cultures prélèvent dans le sol des éléments nutritifs indispensables à leur croissance, en particulier l’azote (N), le phosphore (P) et le potassium (K). Les engrais chimiques, souvent appelés engrais NPK, apportent ces nutriments sous une forme directement assimilable par les plantes.

Mais ce modèle a ses limites. Une étude publiée par la FAO en 2021 estime qu’environ 78 % de l’azote utilisé pour fertiliser les cultures ne sont pas absorbés et se retrouvent dans l’environnement, provoquant des déséquilibres écologiques. Les engrais chimiques sont aussi impliqués dans le phénomène des "zones mortes" marines, où la prolifération d’algues prive les eaux en oxygène, détruisant la faune aquatique. Par ailleurs, l’extraction de phosphore, ressource non renouvelable, pourrait atteindre un pic de production d’ici quelques décennies, augmentant les tensions sur son approvisionnement.

Face à ce constat, la transition est déjà amorcée. Voici un tour d’horizon des solutions naturelles et technologiques pour fertiliser autrement.

Les engrais organiques : une ressource naturelle précieuse

Les engrais organiques, issus de matières végétales ou animales, sont des solutions souvent utilisées dans l’agriculture biologique. Contrairement aux fertilisants chimiques, ils enrichissent les sols à long terme en y apportant également de la matière organique, essentielle pour préserver leur structure et leur activité biologique.

Le fumier et le compost

Parmi les engrais organiques traditionnels, on trouve le fumier et le compost. Le fumier, mélange de déjections animales et de paille, est une source riche en azote, phosphore et potassium. Le compost, quant à lui, valorise les déchets organiques ménagers, agricoles ou industriels après une fermentation contrôlée. Ces solutions permettent de boucler les cycles de matière en agriculture.

Selon l’Institut de l’économie circulaire, un hectare fertilisé avec du compost peut capter jusqu’à 2 tonnes de CO2 par an, favorisant ainsi l’atténuation du changement climatique.

Les engrais verts

Une autre pratique populaire consiste à semer des engrais verts, c’est-à-dire des plantes spécifiques comme les légumineuses (trèfle, luzerne, vesce) ou les crucifères (moutarde, radis fourrager). Ces plantes ont le double avantage de fixer naturellement l’azote atmosphérique dans le sol grâce aux bactéries symbiotiques de leurs racines, et d’améliorer la structure du sol quand elles sont enfouies.

En 2020, une méta-analyse entreprise par la revue "Agriculture, Ecosystems & Environment" a révélé qu’introduire une rotation avec des engrais verts peut réduire de 50 % les besoins en engrais chimiques tout en maintenant les rendements.

La révolution des biostimulants et micro-organismes

Ces dernières années, un domaine particulièrement prometteur s’est développé : celui des biostimulants. Ce terme regroupe des produits naturels ou semi-naturels qui améliorent la croissance des plantes en stimulant leurs processus métaboliques ou en augmentant leur tolérance au stress.

Les bactéries et champignons bénéfiques

De nombreux agriculteurs adoptent des solutions basées sur des micro-organismes bénéfiques comme les mycorhizes et les Rhizobium. Ces derniers sont capables de fixer l’azote dans le sol, tout comme les engrais verts, réduisant ainsi la dépendance aux nitrates de synthèse.

Un exemple notable est l’utilisation des champignons mycorhiziens, qui colonisent les racines des plantes et augmentent leur capacité à absorber l’eau et les nutriments. Des études montrent que ces associations symbiotiques peuvent accroître les rendements de 10 à 30 % dans certaines cultures comme le maïs ou le blé.

Les extraits d’algues

Originaire notamment des régions côtières, les extraits d’algues sont riches en composés bioactifs (hormones végétales, minéraux, aminoacides) qui stimulent la croissance des cultures et renforcent leur résilience face aux stress climatiques. Depuis quelques années, leur adoption connaît une hausse vertigineuse en maraîchage, arboriculture et viticulture.

La technologie au service de la fertilisation durable

La recherche agronomique et les nouvelles technologies jouent également un rôle clé dans la conception d’alternatives aux engrais chimiques. Voici quelques-unes des innovations les plus prometteuses :

Les capteurs connectés et l’agriculture de précision

L’agriculture de précision, qui s’appuie sur des capteurs, drones et logiciels d’analyse de données, permet de limiter les excès d’engrais en appliquant les nutriments exactement là où ils sont nécessaires. Les capteurs mesurent en temps réel les besoins des cultures, optimisant ainsi l’efficacité des apports et limitant les pertes dans l’environnement.

Une étude menée par l’université de Wageningen en 2021 montre que ces pratiques peuvent réduire l’utilisation d’engrais chimiques jusqu’à 20 %, tout en augmentant les marges financières des agriculteurs de 15 %.

Les engrais d’origine recyclée

Enfin, une tendance émergente vise à produire des engrais à partir de sous-produits industriels ou agricoles. La méthanisation, par exemple, permet non seulement de produire du biogaz, mais aussi un digestat, riche en nutriments, utilisé comme fertilisant. Le recyclage des résidus alimentaires ou des boues de stations d’épuration en biofertilisants attire également l’attention des investisseurs et gouvernements européens.

Un changement de paradigme pour l’agriculture de demain

Les alternatives aux engrais chimiques offrent des pistes sérieuses pour rendre l’agriculture moins dépendante des ressources fossiles et plus respectueuse du vivant. Si la transition est encore en cours, elle nécessite des investissements dans la recherche, des incitations économiques et une évolution des mentalités des producteurs comme des consommateurs.

Préserver nos sols et nourrir une population mondiale croissante tout en respectant les limites de notre planète est un défi collectif. La diversité des solutions mentionnées ici montre qu’il existe des chemins différents mais complémentaires vers une fertilisation plus propre, mais surtout plus responsable. Une évolution que nous ne pouvons qu’encourager – car cultiver la terre, c’est aussi préparer celle que nous laisserons aux générations futures.

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