Engrais naturels : une solution miracle pour l’environnement ?

14/04/2025

Qu’entend-on par “engrais naturels” ?

Avant d’analyser leur impact environnemental, tâchons d’abord de définir ce que recouvre l’expression “engrais naturels”. Contrairement aux engrais de synthèse, fabriqués à l’aide de procédés chimiques, les engrais naturels sont issus de matières organiques ou minérales, souvent disponibles localement et non transformées chimiquement.

Les principales catégories d’engrais naturels

  • Les engrais organiques : Ils proviennent de matières vivantes, comme des résidus animaux (fumier, lisier) ou végétaux (compost, purins de plantes).
  • Les engrais minéraux : Extraits directement de sols ou de roches, ils incluent des produits comme le phosphate naturel, la potasse ou encore certaines roches broyées.
  • Les amendements de sol : Bien que souvent confondus avec les engrais, leur objectif est d’améliorer les caractéristiques physiques du sol (par exemple, avec des apports de chaux ou d’argile) plutôt que de fournir directement des nutriments aux plantes.

Un premier avantage : la réduction des intrants chimiques

Il est indéniable que les engrais naturels présentent un avantage face aux engrais synthétiques : leur utilisation contribue à réduire les impacts associés à la production industrielle de fertilisants chimiques. Ces derniers nécessitent des consommations énergétiques élevées et participent fortement aux émissions de gaz à effet de serre, notamment via le procédé Haber-Bosch utilisé pour produire de l’ammoniac.

Les chiffres sont parlants : selon l’International Fertilizer Association (IFA), 1 à 2 % de l’énergie mondiale est dédiée à la production d’engrais de synthèse. En comparaison, les engrais naturels, nécessitant peu de transformation, apparaissent plus vertueux de ce point de vue.

Mais les engrais naturels sont-ils dépourvus d’impact ?

Si les arguments en faveur des engrais naturels sont réels, il serait toutefois simpliste de les considérer comme totalement inoffensifs pour l’environnement. Leur production, leur transport et leur utilisation peuvent occasionner des conséquences non négligeables.

1. Des ressources parfois limitées et mal gérées

Les engrais minéraux, comme le phosphate naturel, posent de véritables défis environnementaux et économiques. Le phosphate est extrait à partir de gisements qui s’épuisent rapidement : on estime que les principaux stocks exploitables seront considérablement réduits d’ici la fin du XXIe siècle. Par ailleurs, son exploitation, souvent intensive, a des impacts écologiques majeurs (érosion des sols, pollution des eaux…).

D’un autre côté, la production d’engrais organiques comme le fumier dépend des élevages. Or, l’élevage en intensif peut engendrer d’autres problèmes environnementaux, comme des émissions de méthane ou des risques de pollution par excès de nutriments, notamment l’azote et le phosphore, lorsqu’ils sont mal gérés.

2. Le risque d’eutrophisation

Un des principaux dangers associés aux engrais, qu’ils soient naturels ou de synthèse, réside dans le phénomène d’eutrophisation. En effet, lorsqu’ils contiennent de fortes concentrations en azote ou en phosphore et qu’ils sont appliqués en excès, ces nutriments peuvent se retrouver dans les cours d’eau. Cela entraîne la prolifération d’algues qui, en se décomposant, privent les écosystèmes aquatiques d’oxygène, provoquant la mort de nombreuses espèces.

Ce problème concerne également certains engrais naturels. Un usage mal dosé de fumier, de lisier ou même de compost peut participer à ces déséquilibres, notamment dans les zones agricoles intensives.

3. Les émissions de gaz à effet de serre

Un autre aspect souvent méconnu est que les engrais naturels peuvent participer aux émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, la décomposition de la matière organique dans des engrais comme le fumier ou le lisier libère du méthane (CH₄) et du protoxyde d’azote (N₂O), des gaz bien plus puissants que le CO₂ en termes de réchauffement climatique.

Comment minimiser l’impact environnemental des engrais naturels ?

S’il n’existe pas de solution parfaite, certaines bonnes pratiques permettent d’optimiser les bénéfices des engrais naturels tout en limitant leurs effets négatifs.

  • Adopter une fertilisation raisonnée : Une analyse régulière des sols permet d’apporter la juste quantité d’engrais, en évitant les excès responsables de pollutions.
  • Valoriser les ressources locales : L’utilisation de compost ou de fumier produits localement réduit les besoins en transport, limitant ainsi les émissions de CO₂.
  • Promouvoir l’économie circulaire : Certaines initiatives, comme la méthanisation pour transformer le lisier en biogaz et en digestat fertilisant, permettent de valoriser les déchets tout en limitant les impacts du système.
  • Revisiter les systèmes de culture : L’agroforesterie ou les cultures en rotation apportent des éléments nutritifs naturellement, réduisant les besoins en apports externes.

Vers une agriculture plus équilibrée

La question des engrais naturels souligne un paradoxe intéressant : bien qu’ils soient souvent perçus comme la solution idéale à la pollution agrochimique, leur utilisation peut également générer des impacts environnementaux s’ils sont mal gérés. Cela illustre l’importance d’une vision holistique de l’agriculture, intégrant aussi bien les aspects écologiques qu’économiques.

En fin de compte, il ne s’agit pas de rejeter ou d’adopter aveuglément une solution, mais d’adopter une approche équilibrée et adaptée à chaque contexte. Les engrais, qu’ils soient naturels ou de synthèse, n’ont pas besoin d’être des ennemis mais doivent être utilisés avec précaution, dans le cadre d’une agriculture résolument tournée vers l’avenir et soucieuse des limites de notre planète.

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